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Just married

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Une paparazzade...

Je m’écarte quelque peu ici de mon domaine de compétence pour ce billet qui est bien plus de l’ordre du témoignage que de l’analyse. Disons les choses clairement, je me suis mariée il y a maintenant dix jours. Et il faut croire que l’on ne se défait pas si facilement de ses habitudes : je n’ai pu m’empêcher d’observer avec curiosité les divers usages fait de la photographie à l’occasion de cette réunion familiale et amicale. Des clichés qui rythment véritablement le déroulement de la journée. De l’arrivée sur le perron de la mairie aux dernières heures de la nuit, on n’y échappe pas. Rien de neuf vous me direz. Mais ce qui m’a véritablement amusée, c’est la diversité des supports convoqués : reflex, smarphone et polaroid se côtoient joyeusement, pour une image qui est simultanément mémorielle, récréative ou conversationnelle.

Sur le perron

La photographie est évidemment d’abord là pour construire la mémoire de l’événement. De 7 à 77 ans, tous les convives sont armés. Les poses sont attendues, la chorégraphie séculaire. Les clichés fusent, et il faut presque faire preuve d’autorité pour rassembler tout ce beau monde sur le perron afin de laisser officier la photographe professionnelle recrutée pour l’occasion1. Un peu plus tard dans la journée, l’exercice reprend, cette fois en différenciant les groupes : la famille de l’un, celle de l’autre, les témoins, les copains…. De la mairie au portrait de famille, la photographie est là très classiquement un outil d’affirmation des liens familiaux ou affectifs qui unissent l’ensemble des protagonistes. Cette image conventionnelle fait pleinement partie de la célébration, voire est un élément quasi indissociable de l’événement.

Hors cadre

Un peu comme un pied de nez à cet usage traditionnel de la photographie, les copains avaient organisés un jeu dont le but était là au contraire de mêler les groupes. Le principe est plutôt simple : chaque invité tire au hasard le nom d’un autre, puis doit poser avec lui dans un photomaton bricolé pour l’occasion. A contrario du rassemblement opéré par les photos de groupe, les associations sont alors improbables : la grand-mère et un témoin, l’amie et l’oncle… La photographie est ainsi devenue le prétexte d’un jeu de piste plutôt plaisant. Ces rencontres étonnantes sont immortalisées dans un studio en plein air, constitué d’un cadre avec moulures et dorures à l’ancienne, et avec l’ajout de multiples pastiches. La mise en situation comme les accessoires viennent ainsi souligner l’aspect totalement fictif de ces couples d’un soir2 .

Dans le même ordre d’esprit, nous avions choisi de disposer sur chaque table lors du dîner un appareil numérique jetable. De nouveau la photographie se présente comme l’occasion d’un dialogue, une façon d’engager éventuellement la conversation. Les boissons locales aidant sans doute (nous étions dans le bordelais), les poses se font plus audacieuses et rigolotes.

Enfin, falsification et détournement s’invitent à la fête lors des interventions des parents, amis et témoins. De façon drôle et bon enfant, voilà nos images d’enfance et d’adolescence exhumées et mises en scènes pour venir illustrer des « révélations » sur nos vies passées. C’est là la puissance fictionnelle de l’image qui est sollicitée, dans des mises en forme révélatrices : conférence ou couvertures de journaux, c’est bien à chaque fois le texte qui oriente la lecture de l’image. Un exercice réalisé avec brio, je dois bien le dire !! Nous voilà maintenant en première page de Closer, avec des problématiques presque similaires…

Ils ont dit oui

Car quelle ne fut pas ma surprise de recevoir tout au long de la journée des messages provenant de personnes absentes qui pourtant me félicitaient pour ma robe… Si le compliment est agréable, je reste quand même perplexe : comment ont-ils pu savoir à quoi ressemble ma tenue, secret gardé jusqu’au matin même ? C’était sans compter avec mes ami(e)s ultra-connecté(e)s : des photos avaient été envoyées sur facebook et par textos dès la sortie de la Mairie ! Drôle de sensation que cette paparazzade à laquelle je ne m’attendais pas le moins du monde (curieusement me direz-vous). Car si je suis présente sur les réseaux sociaux, je veille à séparer vie privée et publique, et même dans l’espace privé je reste assez discrète. Sur mon mariage notamment, que je m’étais gardé de mentionner en statut… Patatra ! « Ils ont dit oui » : pas moyen de se défiler.

Cet usage purement conversationnel, souvent lié au numérique, va être aussi associé au cours de la soirée à la technologie argentique via le polaroid. Clic clac, on tire la photo, on la colle dans un album avec un petit mot… ou pour certaine on la glisse dans le portefeuille. Car face à l’unicité de l’objet, le partage implique un choix: la garder ou la laisser ! Et ce n’est pas si facile de se séparer de ces clichés qui sont des souvenirs de ces moments passés ensemble… L’album ainsi constitué au fil de la nuit devient dès le lendemain une relique, objet tangible et précieux que l’on a plaisir à découvrir.

In fine cette image photographique aura été véritablement omniprésente. Elle est là à la fois pour construire et déconstruire le groupe, comme élaboration de la mémoire ou pour partager l’instant. Elle s’installe ici autant dans les pages de l’album que sur le mur de facebook : les pratiques, loin de s’exclure les unes les autres ici, s’ajoutent et se complètent.

Il ne me reste plus qu’à rassembler les clichés des paparazzi amateurs pour mettre en ligne l’album sur google plus… les grands parents auront droit à un tirage plus classique, évidemment!

  1. Soyons d’accord : si je compte parmi mes amis nombres de photographes talentueux, il était hors de question de les solliciter ce jour là alors qu’ ils faisaient parti de mes invités
  2. Ce dernier aspect m’a été souligné avec pertinence par l’une des participantes, que je remercie

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